Comme tout le monde j'ai connu Jean Paul Kauffmann quand il a été otage au Liban. 3 années pendant lesquelles sa femme Joëlle essayait d'intéresser un pays qui ne manifestait qu'un intérêt à éclipses pour ce journaliste, le premier d'une longue et douloureuse liste, prisonnier des factions libanaises pour lesquelles, il faut bien le dire, nul ne se passionnait
Je me souviens aussi de sa libération et de cette scène inédite de Kauffmann découvrant avec surprise que le petit garçon qu'il avait bien malgré lui quitté avait grandi. Ces deux là, en bout de piste de Villacoublay, ne se reconnaissaient pas et cette douleur ils devaient la partager avec 65 millions de voyeurs.
J'ai aimé qu'il disparaisse rapidement sans squatter les plateaux de télévision et les studios de radio. Pas de Kauffmann chez Foucault ni Ruquier. "Les grandes douleurs sont muettes" dit-on.
Puis Kauffmann a écrit un beau livre sur la captivité de 5 ans de Napoléon vaincu sur l'île de Sainte-Hélène. Un livre inclassable, traversé par sa propre douleur, par ses propres expériences. Un livre "La chambre noire de Longwood" que j'ai beaucoup aimé et même relu.
Ont suivi, de temps en temps, d'autres livres, tout aussi inclassables, qui tenaient du récit, du livre d'histoire, de l'article de reporter, du psychologue, du philosophe même.
C'est un homme qui s'intéresse au vin (de Bordeaux notamment), aux cigares, à la littérature, au cinéma, à la peinture et à l'histoire. Il fait partager ses intuitions, ses pensées, ses doutes, ses regrets et, en un mot, sa réflexion au fur et à mesure qu'elle s'élabore. Un homme discret et talentueux.
J'ai lu avec beaucoup de plaisir son dernier livre qu'il consacre à un voyage à Kaliningrad (ex-Köenigsberg) et à la bataille d'Eylau. Ce n'est pas Napoléon qui l'intéresse (il dit préférer Bonaparte) mais le souverain invaincu qui sent la chance l'abandonner. Ce livre aborde des sujets connexes et d'autres qui n'ont strictement rien à voir. Il est remarquable de bout en bout.
Cet "outre-terre" est assurément un de ses meilleurs livres. J'y ai retrouvé ce qui faisait le charme des précédents en plus abouti peut-être.
J'en ai terminé la lecture à Béziers ce lundi et ai appris que Kauffmann affrontait ses lecteurs à la bibliothèque de l'avenue Jean Rieux (une bibliothèque de quartier) ce jeudi par un mail circulaire. J'ai réussi à assister à ce petit évènement.
L'homme est comme l'auteur: modeste, profond, timide, chaleureux et intéressant.