Il y a quelques années de cela, en plus de son poste d'infirmière scolaire à temps plein pour un lycée "difficile" de la ville rose, ma femme faisait de l'intérim dans une petite clinique spécialisée en psychiatrie.
Elle aimait l'atmosphère désuète des lieux et surtout la compagnie qu'elle y croisait: les soignants d'une part et les patients de l'autre. Elle avait du plaisir à discuter avec les uns et les autres et se plaisait avec tous.
Les malades l'amusaient par leur "autre logique" et elle était sensible à leur difficulté à vivre. Dans un cadre préservé, encore loin des contingences du rendement à tout prix, certains se reconstituaient après des TS ou des dépressions. Fragiles, pénibles parfois, elle les trouvait attachants et n'était pas loin de les préférer à ses lycéens drogués, obsédés ou accros aux jeux vidéo.
Je suis allé à la clinique une fois et, comme elle, ai trouvé qu'il y avait là une atmosphère douce qui n'allait pas durer, on le sentait. Le jardin et les arbres magnifiques, c'était prévisible, attireraient des financiers pour qui le remède au mal-être est l'envoi au diable.
Un beau jour de printemps F. raconte qu'un groupe de patients avaient mis une radio au milieu du cercle qu'ils formaient. Elle jouait assez fort la chanson d'Alain Barrière et Noëlle Cordier "Tu t'en vas" et eux tournaient autour du poste, sur l'herbe. Ils se donnaient l'accolade à un signal connu d'eux seuls.
F. S'est arrêtée pour les regarder, surprise mais le sourire aux lèvres. Une des femmes qui tournaient l'a regardée et lui a dit d'un ton complice: "Eh oui!..on est un peu fous"...
Elle aimait ce genre de moments fugitifs.