Un travers de notre époque consiste à appliquer un diagnostic médical hasardeux à tout comportement suspect. On ne compte plus les "pervers narcissiques", les "psychopathes", les troubles bipolaires et les autistes qu'on voit absolument partout.
Notre besoin maladif de faire rentrer tout et son contraire dans des cases déterminées empêche la réflexion et favorise une simplification qui complique les choses au lieu de les simplifier.
S'y ajoute une évolution sémantique qui fait qu'on n'utilise plus les mots trop anciens ("rhumatismes", "démence sénile", "dépression nerveuse"...) qui ont, estime t'on, fait leur temps (en réalité je soupçonne qu'on les trouve trop simples). Le voisin irascible et mauvais coucheur devient plus inquiétant et donc plus intéressant si on le qualifie de pervers narcissique. Un beau-frère macho et jaloux intéressera plus s'il est lui aussi qualifié de "pervers". La perversité est à la mode.
L'autisme est mis à toutes les sauces, le plus souvent à tort et à travers. Moins on connaît une pathologie plus on en utilisera ses aspects supposés pour désigner quelque chose qui à peu avoir avec elle. Au risque de froisser (voire de déstabiliser) celles et ceux qui y consacrent le plus clair de leur temps.
Tout ceci ne serait qu'agaçant si ces simplifications ne vulgarisaient des idées toutes faites et qui sont, dans le meilleur des cas, réductrices quand elles ne sont pas fausses et génératrices de malentendus.
Une fois encore j'enfile les hardes du "chevalier à la triste figure" et m'attaque à des moulins à vent. Les médias ont autre chose à faire (quoi?) que définir un état et employer les mots adéquats.
la locution "pervers narcissique" amène victime et victimisation et donc l'apitoiement temporaire, elle entraîne aussi la quête de responsable et l'appel à la vindicte contre un coupable identifié.
L’affadissement des idées et des concepts passe par le détournement, conscient ou pas, des mots et des locutions. Sans aller jusqu'à la "novlangue" orwellienne le glissement du sens du vocabulaire procède de la volonté de dominer d'un pouvoir (la presse) dominateur et/ou paresseux.
(Merci Barbara pour l'idée de départ de ce post)