Cet été j'ai alterné les livres difficiles ("Terre Noire" de Timothy Snyder), les "classiques" ("Le Lion" de Joseph Kessel parce que c'est tout ce que j'ai trouvé un 14 août à 18H55 à Evreux (Eure) et les biographies de célébrités du rock. Depuis "Life" de Keith Richards je dois y avoir pris goût.
Celle de Bruce Springsteen ("Born to Run" en V.O comme en V.F) d'abord qui, si elle est écrite avec des santiags taille 45 est cependant passionnante du début à la fin.
J'ai hésité à en entamer la lecture (il est sur une étagère depuis 10 mois car c'était un cadeau d'anniversaire) par crainte d'être déçu et que cela ait des répercussions sur mon goût pour sa musique, ses disques et le bonhomme lui-même.
Il n'en est rien: le Bruce Springsteen des mémoires vaut celui des CD et des concerts. C'est un type formidable qui a une sensibilité et une intelligence très au-dessus de la moyenne de ses confrères du Rock. Un homme digne et honnête. Une rareté dans le milieu.
J'ai lu la moitié de l'autobiographie de Pete Townshend, le leader du groupe britannique The Who (la bio s'intitule finement "Who Am I") qui m'est tombée des mains. La description habituelle des orgies, des addictions à l'alcool et à toutes les drogues, le mal être, les mannequins et les groupies et la bêtise, les jalousies, les confrères et les fortunes gâchées, l' existence nullissime de ce milieu, déjà aperçue dans tant d'autres livres saute aux yeux et vous donne littéralement la nausée. Quelle vie de parasites et d'incapables!
Ces gens qui sont adorés sont, du moins à lire ces bios, des êtres timides, mal dans leur peau, dépressifs, incapables d'aimer, centrés sur eux-mêmes et, osons le mot, pathétiques.
Visiblement avoir une femme mannequin, les plus belles voitures du monde, une fortune phénoménale, des maisons dans chaque pays et une armée de larbins ne suffit pas à rendre heureux des types talentueux mais dépressifs. Townshend ne nous épargne rien, de ses nuits de souleries, de ses jalousies, de ses doutes et du peu d'estime qu'il a de lui-même.
On ne peut qu'être admiratif de la manière complète dont ces rock-stars se dépeignent: Townshend trace un portrait de lui qu'un ennemi ou un journaliste à sensation n'aurait pas osé.
Son entourage, sa femme, ses enfants ont dû le regarder différemment après ça!
Je me demande à quoi sert cette catharsis sur livre qui, même pour Springsteen, nous montre l'homme dans sa crudité totale sans nous épargner le pire ou le plus personnel.
Nous avons rêvé d'être Dylan, Hendrix, Jagger, Lennon ou Bowie: ce que l'on sait de leurs vies donne au contraire l'impression qu'il s'agissait d'enfers personnels. Et ces biographies se recoupent qui tracent des uns et des autres des portraits assez éloignés de l'image qu'ils ont en général.
C'est de la lecture de vacances mais ça en dit très long sur notre civilisation, nos moeurs, leur évolution et nos valeurs en général.