Feu Yves Montand

La postérité n'est pas bonne fille. On ne sait guère les critères qui sont les siens pour décider qui restera dans les mémoires et qui sera oublié, qui aura une belle image post mortem et qui, au contraire, n'en bénéficiera pas.

Prenez Yves Montand. L'homme, le comédien, le chanteur et le show man, de son vivant, était admiré et célébré. Certes on lui reprochait parfois son opportunisme politique mais ce n'était rien dans le concert de louanges qui l'entourait. On l'avait adoré dans "Le salaire de la peur" de Clouzot, dans "Z" de Costa Gavras, dans "César et Rosalie" de Sautet et on n'oubliait pas qu'il avait tenu Marilyn Monroe dans ses bras. 

Il se disait bien, ici ou là, que le "veuf signoret" était tyrannique et autocentré mais quel comédien un peu connu ne tombe pas dans ces travers? lui avait chanté à Broadway (ça fait toujours rêver les Français) avait été sur a scène du Théâtre de Paris pour des récitals affichant complet pendant des mois et possédait une filmographie solide. Qui a oublié le César de "César et Rosalie"? la crise de délirium tremens du "Cercle rouge" le valet de "La folie des grandeurs" et le gangster séduisant du "Diable par la queue" et enfin le papet de Jean de Florette de Claude Berri? pour n'en citer que quelques uns. 

Côté négatif on se souvient qu'on trouvait qu'il avait pris la grosse tête avec l'émission télévisée "Vive la crise" qui faisait l'apologie du libéralisme économique débridé de Reagan et Thatcher. On ne sait pas s'il ne s'est pas imaginé présidentiable à ce moment de sa vie.

Je n'insiste pas sur les aspects négatifs de sa personnalité mais voudrais raconter ce que j'ai entendu récemment sur Arte dans un portrait sensible de Jacques Villeret. Ce dernier avait donné la réplique à Montand dans "Garçon!" (1983) de Claude Sautet. Il avait un petit rôle et 4 ou 5 scènes dont une en voiture dans laquelle il jouait un ami de Montand à qui il reprochait son égoïsme. Il était tellement bon dans cette scène qu'il "prit la vedette" à Montand ce qui fut repris par journaux et télévision. 

Deux ans plus tard Claude Berri offrit à Yves Montand le rôle du papet dans ses adaptations de Pagnol "Jean de Florette" et "Manon des Sources". Le réalisateur avait choisi Villeret pour donner la réplique à Montand (et le rôle d'Ugolin. Montand mit sa participation au générique en balance avec la présence ou l'absence de Villeret dans le film. On sait ce qu'il advint. C'est une anecdote qui ne plaide pas pour Montand surtout si l'on sait que Villeret était dans une mauvaise passe personnelle et professionnelle. 

Mais bon. Les passions sont froides. Montand mériterait une réhabilitation et que ses films soient joués à la télévision qui semble penser qu'il n'a tourné que "La folie des grandeurs".