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9 mars 2022 3 09 /03 /mars /2022 07:00

Je l'ai toujours pensé. Le cinéma peut n'être qu'un divertissement, il peut être une manifestation commerciale, un passe-temps inoffensif ou l'affaire d'une vie.                                                                     Certains films de cinéma sont des œuvres d'art au même titre qu'une céramique, qu'une peinture, qu'une musique ou qu'un livre. La réussite artistique d'un film tient à tant de paramètres qu'il n'est pas surprenant qu'un seul venant à manquer et le film n'est qu'un film de plus.

Pourtant je reste persuadé qu'à part quelques démiurges souvent méconnus peu de réalisateurs se lancent dans le tournage d'un film en se disant: "C'est décidé, je tourne un chef d’œuvre". Quelques uns, la plupart du temps reconnus comme tels, l'ont fait mais ils sont et restent l'exception.

Parmi eux je place proche du sommet le réalisateur américain Joseph L. Mankiewicz dont l’œuvre comprend de très bons longs métrages et "le" film qui fait la différence. Il s'agit de "Sleuth" ("Le Limier" 1972  avec Sir Laurence Olivier et Michael Caine dans deux rôles sortant de l'ordinaire.

Leur affrontement tient de la rivalité virile, de la lutte des classes sociales, de la possession ou non de fortune, d'intelligence et de lutte contre ce que l'autre représente. C'est un film qui, à chaque visionnage entraîne le spectateur un peu plus loin. Allusions incompréhensibles, menaces voilées, affleurement du mépris, dialogue sans fard et combat sans pitié se déroule devant lui qui ne comprend pas obligatoirement ce qui se joue devant ses yeux sur l'écran. Un affrontement psychologique? oui. Mais limiter le film à cela serait passer à côté.

Et passer à côté de "Sleuth" est plus qu'une faute, un crime. Un manque d'intelligence. Une légèreté coupable.

Il faut voir et revoir encore ce film étrange qui fait appel à notre intelligence tout en requérant notre imagination, notre participation même. Il s'adresse directement à nos capacités de réflexion. Mais aussi à notre imagination et à notre sens de la déduction. Sans oublier notre volonté de croire ou pas à ce qui est dit et montré sur l'écran.

Des "détails" scénaristiques nous sont livrés qui nous aident -ou pas- à comprendre l'action et l'évolution de la situation. Le film n'est ni prétentieux ni hautain, encore moins élitiste: tout y est clair et net et c'est au spectateur de se laisser emmener où l'auteur (Anthony Shaffer) souhaite nous conduire.

les dialogues du film sont élevés et à l'image du film, pertinents (en particulier la colère froide de Laurence Olivier qui refuse jusqu'à l'idée qu'on puisse "devenir Anglais"). Le jeu est omniprésent sous plusieurs formes. Le plus bel exemple est ce puzzle de plusieurs centaines de pièces entièrement blanches qu'on voit fait, défait et refait sans savoir par qui ni comment.

Les deux comédiens sont splendides (même si je trouve Caine éblouissant dans un rôle plus difficile à défendre) et il est impossible de ne pas s'identifier tour à tour à leurs personnages, quitte à revenir sur sa première idée. Entre l'aristocrate britannique et le parvenu d'origine italienne la vraie noblesse est -peut-être- là où on la soupçonne moins.

La dramaturgie est aboutie jusqu'à un point rare. Décor, sons, images, mise en scène tout concoure à la formidable* réussite d'un des meilleurs films que j'aie vus dans ma vie. 

*Je ne suis pas au stade d'adorer "Le Limier" mais je comprends l’étonnante admiration de Tanguy Vieil qui a écrit un livre ("Cinéma" 1999 aux Éditions de Minuit) dans lequel il dissèque le film scène par scène en en admirant l'implacable mécanique intellectuelle et cinématographique. C'est un livre d'adorateur plus que d'admirateur qui convient qu'il ne saurait garder son affection, son amitié même, à qui ne trouverait pas ce film "formidable".

Un "remake" fut donnée de ce film, même titre, dans lequel Michael Caine reprenait le rôle de Laurence Olivier tandis que Jude Law interprétait celui qu'il avait tenu 35 ans auparavant. Bien que signé Kenneth Branagh il n'apporte rien et affadit un scénario complexe et une machine intellectuelle bien huilée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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