France Inter fête ses cinquante ans cette année et c'est pour cette station encore exceptionnelle
(pas ou très peu de publicité, des journalistes de talent et un certain sens du service public)
l'occasion de se pencher sur son passé, sur ses grandes heures, ses grandes voix et ses
meilleurs programmes.
Lundi 2 décembre ont retenti de nouveau la véhémence et les colères d'Anne Gaillard qui fut
une pasionaria du "bien-consommer".
On l'a oubliée mais cette journaliste ne faisait aucun cadeau à ses invités, pour l'essentiel des
industriels de l'alimentation, des cosmétiques, de l'électro-ménager et de tout ce qui, déjà dans
les années 70, commençait à poser des problèmes par les libertés qu'ils prenaient avec les
règlementations, les normes et même le simple bon sens.
En quelques mots on essayait déjà de nous fourguer du cheval pour du boeuf et de la crème
de perlimpinpin pour de l'anti-rides.
Mon ami Gérard T*** travaillait dans la maison ronde de l'Avenue Kennedy alors que "sévissait"
Anne Gaillard (mais aussi françoise Dolto* et d'autres). J'allais quelquefois le retrouver et nous
regardions derrière la vitre les colères homériques de l'animatrice qui ne laissait rien passer.
Je ne dis pas qu'elle avait forcément raison et que son style personnel était de tout repos.
Nul ne saurait contester sa force de conviction et son envie de moraliser un secteur où les
requins commençaient à naviguer sans frein.
Dans mon esprit elle est cependant aux antipodes de ces faux-jetons de la consommation tel
Jean-Pierre Coffe qui s'est fait un nom et une réputation totalement usurpés.
Dans les extraits de l'émission "Inter-Femmes" qu'elle animait de 1971 à 1978 Anne Gaillard
malmenait ses invités et les poussait dans leurs derniers retranchements, n'hésitant pas à
les mettre devant leurs contradictions, leurs mensonges ou leurs arrangements avec la
vérité.
Plus personne (et sans doute est-ce heureux) ne pourrait "foncer dans le lard" des acteurs
économiques ou politiques de cette manière mais, par contre, il serait peut-être utile de
retrouver une certaine pugnacité et adopter un langage de vérité devant eux. Devant toutes
ces interviews de complaisance, d'autant moins efficaces qu'elles sont faussement
agressives on se surprend à regretter l'émasculation des interviewers, quels qu'ils soient.
Une belle phrase entendue dans cette émission: "Les vendeurs et les industriels ont face à
eux des consommateurs globalement repus. Si on veut aujourd'hui que les consommateurs
continuent de dépenser, il faut sans arrêt souffler sur les braises du désir et c'est pour ça que
le marketing s'est déchaîné.
Le consommateur vit un peu sous perfusion parce que les besoins de base sont satisfaits."
L'émission de Guillaume Erner est le type même de celles qui ont toujours été siglées France
Inter et qui ne pourraient être diffusées sur aucune autre station de radio.
Imagine t'on un industriel de la "malbouffe" se faire malmener par un journaliste de RTL ou
Europe 1 et être interrompu par un tunnel de publicités dont celles de ses produits?