Loin de Philippe Garrel dont on nous rebat les oreilles avec son film ("jalousie") d'introspection
sentimentale qui fait se pâmer une certaine critique et un certain public entre Odéon et Saint
Germain des Prés, nous avons en France un grand et ambitieux metteur en scène qui fait des
films à son image et qui rencontrent le plus souvent un succès commercial dans le monde, ce
qui, on en conviendra, n'est pas à la portée du premier Garrel venu.
Débutée par un film incroyablement méchant (mais réaliste) sur l'A.O.F (Afrique occidentale
Française) au moment de la déclaration de la guerre de 1914 ("La victoire en chantant") la
filmographie de Jean-Jacques Annaud comprend des films dont il peut légitimement être fier.
Parce qu'ils sont à la fois sérieux, documentés, réalisés par un authentique cinéaste, bien
interprétés, intelligents et universels les films comme "l'amant", "coup de tête", "l'ours", "le
nom de la rose" "sept ans au Tibet" et "la guerre du feu" sans oublier "Stalingrad" et "deux
frères" sont des films qui, à un moment ou à un autre, ont correspondu aux attentes d'un
public exigeant aimant le cinéma d'action, de réflexion ou d'aventure.
Je l'ai dit ici je garde un excellent souvenir de quelques uns de ces films, de "la victoire en
chantant" et de "coup de tête" particulièrement parce que j'ai senti que Jean jacques Annaud
filmait par plaisir mais aussi pour dire quelque chose de notre monde, de l'homme et de la
civilisation.
Ses interventions, dans les bonus des DVD, sont un complément indipensable du visionnage
des films: disposant du temps que personne ne lui donne au moment de la sortie des films il
peut expliquer ses intentions, donner des détails et montrer comment il a fait pour parvenir à
leur donner forme.
C'est un homme modeste et intelligent, cultivé et passionné qui, en cette époque de tout
zapping et d'inculture revendiquée doit être assez malheureux.
Il a d'ailleurs parfois un regard ou une phrase désabusée.
Le DVD de "Sept ans au Tibet" est, à cet égard, passionnant parce qu'après avoir admiré
pendant plus de deux heures les paysages des hauts plateaux indiens on apprend que le
film a été tourné en majeure partie en Argentine (plans de montagne) et au Canada (les
autres scènes)! on apprend que Brad Pitt est obligé de s'exfiltrer en douce tellement il est
harcelé par les filles et, beaucoup plus intéressant, on voit comment une idée du metteur
en scène et de sa scénariste, née de leurs impressions sur le personnage réel dont le film
raconte l'histoire est l'exact reflet de ce qu'il cachait soigneusement dans sa biographie.
Il y a un seul bémol à tout ce qui précède. Je veux parler du film "Sa majesté Minor" qui est
sans doute le ratage le plus absolu de Jean Jacques Annaud.
C'est du moins ainsi que je l'ai vu.
Rien, absolument rien, ne permet d'en sauver ne fût-ce qu'une minute. C'est un tel fiasco
que l'on se demande encore comment Annaud a pu le commettre.
Sans doute sa distribution (Vincent Cassel, José Garcia, Jean-Luc Bideau, Claude Brasseur
et quelques autres) hétéroclite, son sujet, son caractère salace... sont-ils responsables.
Mais comment cet homme raffiné qu'est Annaud a t'il pu consacrer 3 ans de sa vie à cette
éprouvante pellicule? lui seul le dira un jour car il est lucide et ne pratique pas la langue de bois
du cinéma. Je suis allé le voir avec un à-priori positif et en suis revenu en me demandant si
Jean-Jacques Annaud était tombé sur la tête. J'ai détesté ce film, rejoignant par là la critique
et les spectateurs qui n'ont été que 120 000 à aller le voir. (on ne sait pas la proportion de
ceux qui ont aimé le film).
Seul point admirable et qui me fait aimer Annaud: il ne renie pas ce film ni ses acteurs.