Thierry Mesguich, je m'en souviens parfaitement, était content par avance de son effet à venir. J'avais alors 13 ans et demi et, en ce jour d'automne 1969 nous étions allés chez lui pour écouter un disque 45 tours mystérieux mais qu'il était fier de posséder. Il habitait rue de Boulainvilliers près de la Maison de la Radio.
Avec des airs de comploteur il avait disposé sur l'électrophone un petit disque sur la pochette noir et blanc duquel on voyait une jolie jeune fille aux incisives écartées. Je ne savais pas qui elle était, ne connaissais pas la chanson (que je n'avais jamais entendue) et.... j'étais totalement ignorant des choses du sexe.
"Je t'aime, moi non plus", version Jane Birkin, que nous écoutâmes religieusement ne me déplut pas. Mieux, j'appréciais la musique inspirée et la voix haut perchée. je compris intuitivement qu'il y avait là une transgression, quelque chose de scandaleux mais pas plus. "l'amour physique est sans issue", vers de la chanson, me passait très au-dessus de la tête.
Je n'ai jamais oublié ce moment, allez savoir pourquoi.
Mardi dernier, cinquante ans après, j'ai déjeuné avec mon ami Lambert au restaurant Coréen et nous sommes allés prendre le café chez lui. Il habite un appartement de rêve Place de la Daurade.
Avec un air gourmand il m'a dit qu'il fallait que j'écoute une chanson osée, très osée pour l'époque. Il l'a sélectionnée sur son enceinte baladeuse au son incroyablement précis. Une chanson orchestrée seventies en est sortie avec des paroles ouvertement pédophiles. Une rencontre dans un train entre un érotomane et une très jeune fille peu farouche. La chanson était interprétée par Pierre Vassiliu et je ne la connaissais évidemment pas.
Ce moment m'a inévitablement fait penser à celui de la découverte de "je t'aime, moi non plus".
Samedi 4 ma seconde femme a pris le café avec ma première femme. Jusqu'ici j'avais essayé d'empêcher qu'elles se rencontrent mais là ce fut un peu fortuit. J'avais dans l'idée qu'elles s'entendraient... sur mon dos. Parano un jour, parano toujours.
Les circonstances ne présentent qu'un intérêt secondaire et je ne m'y arrêterais donc pas. En présence de mes deux enfants, leur mère dont je suis divorcé depuis dix ans, devisait avec celle qui lui a "succédé", et ce plutôt joyeusement. Mon fils fit même des selfies dans cette ambiance un brin farfelue.
Là encore ça m'a rappelé (et à Catherine aussi avec qui j'ai échangé un regard connivent) un jour de 1982 où elle avait été mise en présence (pas fortuite, une "amie" avait trouvé judicieux de les faire se rencontrer) de celle qui l'avait précédée. Les choses avaient été beaucoup plus tendues alors.
Amusants ces moments qui s'interpellent avec le temps et qui se revivent quoi que modifiés...