J'ai entendu, ce matin, une longue et intéressante interview de Hervé Ghesquière qui
fut, avec son homologue journaliste stéphane Taponier, retenu en otage par les
Talibans d'Afghanistan pendant 547 jours.
L'homme n'est pas un "rigolo" ni un acharné du vedettariat. Il parle brièvement et ne
mâche ni ses mots, ni ses colères.
Il travaillait pour l'émission de FR3 "Pièce à conviction" qui, c'est le moins que l'on
puisse dire, ne s'est jamais signalée pour son goût de la gaudriole ou de l'à-peu près.
Même s'il est obligé de nuancer -et ça lui coûte- son propos il n'a toujours pas pu
avaler les mises en causes monstrueuses de leur action par le Président de la
République d'alors, le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant, n'hésitant
pas à déclarer que les otages (leur condition au moment où Guéant parlait) "faisait
courir des risques à nos forces armées", Jean Louis Georgelin Chef d'état major des
armées qui, au même instant déclarait: "la recherche (des otages) a coûté plus de
10 millions d'euros" et Bernard Kouchner -qui partageait avec BHL le ministère des
affaires étrangères!- dire: "il leur faudra s'expliquer".
Sous entendu: "ils sont responsables de leur kidnapping".
Hervé Ghesquière s'expliquait sur sa présence sur le terrain ("le rôle par définition d'un
reporter"), sur son besoin d'avoir un autre son de cloche que celui des armées (10 jours
avec les militaires, il était temps d'avoir au moins 1 contact avec les autres) et leur
professionnalisme.
Que serait, en effet, la conscience professionnelle d'un reporter qui ferait son travail en
ne se basant que sur les récits des militaires?
Depuis l'affaire Dreyfus on sait que la parole des militaires est parfois...Sujette à
caution!
En fait, dans cette affaire d'Afghanistan, la France a perdu 88 hommes et n'a rien sécurisé
du tout. Les militaires se gargarisent de grands mots et de nobles missions mais ils ne
servent à rien et sont constamment menacés, où qu'ils se trouvent.
La démonstration en 3 points ("les américains devaient ouvrir une route en Kâpisa, les
anglais la goudronner et les Français la sécuriser, seuls les deux premiers ont tenu leur
engagement") qu'Hervé Ghesquière a faite est éloquente.
Le "gouvernement" Karzaï est aussi légitime que le roi des Babas O'Rum et les politiques
d'alors couvraient tout du moment que ça ne fasse pas de vagues.
Il fut incroyable (et ça le reste) d'entendre le 1er personnage de l'état critiquer des otages
alors que leur vie était menacée et tout autant d'entendre d'autres voix de responsables
jeter l'anathème sur des prisonniers malmenés.
Enfin Hervé Ghesquière a "craché le morceau": oui, ces prises d'otages sont une affaire de
gros sous et de banditisme. Dans tous les cas il y a versement d'une rançon et échange de
prisonniers.
A part pour Michel Seurat qui est bel et bien mort en tant qu'otage au Liban les prisonniers
sont, selon Hervé Ghesquière, un objet de grande valeur ("la poule aux oeufs d'or") car ils
permettent d'obtenir de la reconnaissance (on parle des ravisseurs), de l'argent et des
échanges de prisonniers.
Tout celà méritait d'être dit. Je n'ai jamais cru aux protestations d'innocence de Charles
Pasqua et de tant d'autres qui assuraient, la main sur le coeur, qu'ils n'accepteraient
jamais de verser une rançon. Maintenant je sais que j'avais raison, intimement.