C'était presque décidé, j'allais arrêter.
Je n'ai pas pour habitude de commencer un livre et de stopper sa lecture en
cours. Pourtant, avec celui-ci ma mauvaise humeur s'accroissait au fil des
pages. Une vraie colère me saisissait et j'ai finalement pensé que je n'aurais
jamais dû entamer la lecture de "Les Strauss-Kahn" de Raphaëlle Bacqué
et Ariane Chemin.
C'est, entre autres, parce que j'avais déjà vu le travail de la première auteure
citée (en particulier dans une série télévisée sur les premiers ministres) que
je sais qu'elle est à la fois sérieuse et honnète que je l'ai choisi. C'est aussi
parce qu'elle a écrit ce livre sur Grossouvre que j'avais bien aimé.
La sachant ainsi j'ai donc pris "Les Strauss-Kahn" et je trouve que ce livre
est de bout en bout révoltant; sans être moraliste ou bégueule.
Il ne s'agit pourtant pas, loin s'en faut, d'un portrait à charge. Ni DSK ni son
ex-3ème femme ne sont "assassinés", ils sont étudiés et décrits comme
des insectes par des entomologistes appliquées.
Leur train de vie, leurs réactions, leurs façon de penser, leurs rapports avec
le pouvoir et avec l'argent sont tout simplement incompréhensibles pour
quelqu'un comme moi.
(songez que le beau père de DSK a refusé de venir au mariage de sa fille
-la seconde épouse de DSK- en disant en public qu'il ne pourrait pas
faire le baisemain à "une femme de ménage" (la mère de Strauss-Kahn)!!)
et qu'il considérait le futur ministre de l'économie comme un "pauvre").
Ces gens-là ne sont ni sympathiques ni antipathiques: ils sont sur la
planète Mars et n'ont que de très lointains contacts avec des humains tels
que nous. A chaque fois que je lis une réaction de l'un des 2 membres du
couple je me pince: la "grande journaliste" est partiale jusqu'à la
caricature? l'homme de gauche est un macho méprisant et manipulateur?
Tout est invraisemblable dans le portrait de celui qu'on voyait à l'Elysée:
sa mentalité, sa moralité et son comportement.
Dès l'affaire de la MNEF et ses conseils (en réalité un dessous de table)
à 602000€ Strauss-Kahn aurait dû être écarté de toute responsabilité.
Ca continue avec la remise d'impôts de 160 millions d'euros de Karl
Lagerfeld (2000) et ça se poursuit avec la cassette Mery destinée à faire
chanter la droite mais la cassette aura mystérieusement disparu.
Et je ne parle pas de la tentative de suicide de la copine black de DSK
et de la sordide réaction du grand homme.("Ouf!")
Et on n'en est qu'à la page 74.
Déjà richissime par héritage Anne Sinclair reçoit une indemnité de licenciement
que TF1 lui verse. Son montant? 1,86 millions d'euros.
Avec cette aumône ils rachètent 2 "ruines" à Marrakech et en font un
"palais" (ce sont les mots des auteures)
Son grand homme est nommé à le tête du FMI? elle achète une maison à
Washington dans le quartier qu'il faut. (montant 4 millions d'euros)...
Tout est à l'avenant.
DSK a des rapports pahologiques avec les femmes. Il se croit (et est?)
irrésistible et tente sa chance à tous bouts de champs. Il consomme
puis pfuit, prend la fuite. Pas vu pas pris.
De toutes façons elles ont "de la chance" qu'il les ait distinguées.
Après il passe à autre chose et la cavalcade du Carlton de Lille vogue
entre le ridicule et l'affligeant.
Les "huiles" du PS, de Cambadélis à Fabius en passant par tant
d'autres (dont Jean-Marie le Guen) ne sont pas épargnés par le livre.
Bref la lecture de ces turpitudes et de ce train de vie pharaonique
(au point que Sarkozy, qui espérait avoir DSK comme adversaire en
2012, a pu dire qu'en face de DSK il avait un style de vie monastique)
on est dégouté, oui dégouté que les news-magazines n'aient pas fait
leur boulot qui était de nous avertir sur ce qu'était leur sauveur.
On est aussi révolté que le PS n'ai rien fait pour dégonfler la baudruche
au printemps 2011 et qu'elle ait envisagé sans états d'âmes de présenter
ce candidat et l'imaginer en Président.
Celà dit on retrouve dans le livre la même admiration pour la machine
intellectuelle, l'économiste et l'homme qui parle 5 langues et comprend
avant tout le monde les situations politiques ou économiques.
Ces qualités devaient elles effacer l'insuffisance morale de l'homme?
Je ne le pense pas et je crois bien que le Sofitel de New York était un
jeu pour lui, pour se prouver qu'il avait encore la baraka.
Un peu comme on joue à pile ou face.
La pièce est tombée sur le mauvais côté. Heureusement pour tout
le monde: après 5 ans de Sarkozy 5 ans de DSK nous eussent définitivement
plombé.
En lisant ce livre (car j'ai fini par l'achever tout autant qu'il m'a achevé!) j'ai
compris la réaction de Jean-François Kahn à l'annonce de l'affaire Diallo
(c'est le mari de la meilleure amie d'Anne Sinclair!), j'ai eu la confirmation
que ma détestation d'Elisabeth Badinter, de Jacques Attali et d'Ivan Levaï
était plus quen justifiée et enfin que Moscovici, Cahuzac et quelques autres
avaient eu de la chance qu'Hollande pardonne....
Enfin j'ai eu la preuve, une fois encore, que la France n'était pas une
démocratie mais une "monarchie nègre" ou une "République bananière"
gangrenée par l'affairisme et dirigée, gauche et droite confondues, par
une caste à part et impénétrable si on n'a pas les "codes".
Ne nous moquons jamais des Ben Ali ou des Gbagbo: notre régime ne
vaut pas mieux que celui qu'ils dirigeaient ou dirigent encore. Il est
seulement plus hypocrite.
Ce livre, dont j'avais lu les "bonnes feuilles" dans le Point est sorti il y a
plus d'un an. Il venait après tant de rebondissements de l'affaire du
Sofitel qu'il n'a pas autant choqué et interpellé qu'il aurait dû.
Dommage, il a l'intérêt de nous montrer à quel point nos élites sont
corrompues et le mépris qui les meut.
Ce ne sont pas "les amis de Nicolas Sarkozy" qui me démentiront.