Du 30 juin au 7 juillet derniers j'ai eu la chance et le privilège de faire quelques étapes sur le chemin de St Jacques de Compostelle, très exactement entre Figeac et Moissac.
Cela faisait des années que j'en rêvais et j'ai profité d'une opportunité qui m'était offerte de ne pas marcher seul pour tester le chemin sur un de ses plus beaux parcours.
Nous avons eu de la chance (mais elle était prévisible en ce début du mois de juillet) car il a fait beau et sec, chaud mais pas une chaleur insupportable et parce qu'il y a un creux dans la fréquentation à cette période.
A ces atouts auxquels nous ne pouvons rien se sont ajoutés des conditions physiques excellentes, des rencontres exceptionnelles, une organisation sans faille et la chance d'avoir évité les petits tracas inévitables quand un citadin peu mobile marche pendant des kilomètres sans en avoir l'habitude.
Je n'ai eu aucune ampoule et ce malgré un changement de chaussures en catastrophe à Cahors, les nouvelles se sentant obligées de faire aussi bien que les vieilles qui m'avaient accompagné aussi bien au Cambodge qu'en Écosse.
J'ai terminé ma part de chemin avec une double tendinite aux genoux mais je suis le seul à blâmer, ayant marché trop (25 km en moyenne par jour) sans entraînement véritable.
Cela dit nous avons croisé un Québecois de Montréal et deux sœurs américaines qui faisaient le double de kilomètres par jour et qui ne souffraient de rien.
Le chemin est à la hauteur de sa réputation. Dans une vie c'est une sorte de sas de décompression qui surprend par le plaisir qu'il procure. Plaisir de marcher, de réfléchir, de se couper de notre vie de tous les jours et donc du téléphone, des informations et de la publicité. Oui, il est arrivé qu'une journée entière soit exempte de tout message publicitaire! C'est aussi une joie d'avancer par sa seule force motrice, de traverser la nature comme en fraude, de s'arrêter pour regarder la beauté des paysages, d'écouter les animaux, le vent, les cigales (elles sont dans le Quercy) et de voir les heures passer au soleil en suivant les ombres et la chaleur. C'est un bonheur de voir des constructions (chapelles, abris, granges) qui se méritent et de découvrir de l'eau fraîche d'une fontaine.
Sur le territoire français le chemin est autosuffisant. Il est balisé (plutôt convenablement), entretenu (les ronces sont coupées), alimenté (il traverse des villages ou des villes), désaltéré (fontaines et robinets sont disséminés tout le long). Enfin les étapes de nuit sont nombreuses et adaptées. F*** s'était occupée de les choisir et réserver et ses choix ont été judicieux.
Il y a un grand choix d'hôtellerie offrant des couchages allant du dortoir à la chambre individuelle et tous s'adaptent au marcheur qui a besoin de repos, de laver son linge du jour, de se restaurer et de dormir avant une nouvelle journée.
Sur le chemin il y a une "solidarité" certaine. Elle commence par le tutoiement et se continue par les conseils avisés. Elle est indispensable parce que le marcheur rencontre souvent les mêmes personnes et que l'expérience des uns est profitable aux autres.
La religion est facultative et je n'ai pas eu à me plaindre du prosélytisme de quiconque.
Une grande tolérance règne parmi les "pèlerins": certains marchent sans bagages (leur sac ou valise les suit d'étape en étape, portés par une société dont c'est l'activité), d'autres font le chemin en vélo, avec un âne, en famille, en couple, seul.... ma courte incursion sur le sentier m'a laissé envisager des personnes moins critiques entre elles, et disposées à ne pas juger les autres.
Temporairement sans doute..
Je garde le souvenir de moments merveilleux et d'autres plus surprenants comme cette traversée d'une clairière quand chacun de nos pas soulevaient des dizaines de papillons multicolores.
J'ai oublié les pires qui, souvent, sont ceux où je luttais pied à pied contre "mes forces de renoncement".