Je ne suis pas de ces spectateurs qui prennent leur plaisir cinématographique uniquement à la
vision d'un film serbo-croate vu par seulement 40 personnes dans tout l'hexagone.
Dernièrement j'ai vu «De l'autre côté du périphérique» et ai passé un très bon moment.
Cependant plus je vieillis et plus j'attends d'un film qu'il me remue en m'apportant matière à
réflexion.
J'ai de la chance ma ville est une ville cinéphilique qui, outre une superbe cinémathèque offre
à l'amateur de cinéma exigeant (ou d'art et d'essai, ce qui revient souvent au même) 2 salles
Utopia, une salle ABC et une autre appelée le Cratère qui donnent toutes leur chance à des films
qui échappent aux grands distributeurs tels UGC et Gaumont.
J'ai donc vu, ce week end, un film relevant de ce cinéma là et je doute qu'on vous en parle sur
les supports habituels dont le genre de beauté cinématographique n'est pas celui-là.
Le leur se compte trop souvent en nombre d'entrées et en montant du cachet des artistes.
Il s'agit de «Paradis : Amour» de Ulrich Seidl un film qui, sans fioritures, nous intéresse à ces
femmes seules qui vont en Afrique (au Kenya dans le cas présent) pour donner libre cours à
une libido d'ordinaire inexistante en payant des jeunes blacks qui profitent de cette détresse
pour monnayer leurs charmes et soutirer un maximum de dollars de celles qu'ils appellent
«sugar mama».
C'est un film très dérangeant parce qu'il ne cache rien et qu'il distribue les upercuts sans faiblir.
L'actrice principale (Margarethe Tiesel) non plus ne cache rien de sa volumineuse anatomie et
du vide de sa vie.
On est gênés par certaines images qui sont non seulement très crues mais aussi terriblement
réalistes.
On est désolés par ces épaves de notre société, rejetées par les autres à cause de leur
déchéance physique.
Elles vont, elles aussi, faire du tourisme sexuel dans des paradis pour touristes et, comme les
hommes habituellement, traquent la chair ferme et fraîche.
Là-bas les attendent des beaux jeunes étalons qui n'ont que cette solution pour améliorer leur
condition et celle de leurs proches.Proches qui savent d'où vient l'argent.
C'est une prostitution qui ne dit pas son nom mais qui utilise des ressorts balisés. Les garçons
noirs demandent de l'argent non pas comme prix de leurs «services» mais pour payer l'hôpital,
le médecin ou aider un parent en difficulté et les grosses touristes autrichiennes ne paient pas
officiellement pour du sexe mais pour trouver l'amour.
De nombreux détails mettent très mal à l'aise dans ce film. Outre la nudité des corps la disparité
entre ceux de ces jeunes noirs et ceux adipeux et flasques de leurs amantes, la pauvreté du Kenya
dès que l'on sort des complexes touristiques luxueux, le sort qui est réservé aux habitants du
pays (qui bien que chez eux n'ont pas le droit de franchir une ligne sur la plage), les bassesses des
unes et des autres et aussi la vulgarité des femmes européennes lorsqu'elles n'ont pas à se
surveiller.
A cet égard la scène de l'anniversaire est emblématique: 3 autrichiennes en chaleur qui offrent un
jeune gigolo prêt à tout pour leur soutirer le plus de devises à une 4ème. Pour bien souligner que la
seule partie de celui-ci qui les intéresse est son sexe elles le lui entourent d'un ruban rose...
C'est ainsi que notre civilisation (que Claude Guéant qualifiait encore de «meilleure» il y a moins
d'un an) a dénaturé la belle idée du tourisme, c'est ainsi que nos sociétés riches viennent pervertir
les autres, c'est aussi ainsi que vivent, de plus en plus nombreuses, de pauvres personnes
esseulées et connaissant une misère sexuelle éprouvante.