La commémoration presque hystérique et protéiforme des trente ans de la mort de Serge Gainsbourg a charrié le meilleur et le pire. Cet homme avait compris avant tout le monde en France que faire parler de soi, en bien ou en mal, était l'Alpha et l'oméga de la célébrité. Moyennant quoi son œuvre, d'une qualité indéniable, reste comme cachée derrière le pitre alcoolisé et "bon client" des médias qu'il était pathétiquement devenu les dix dernières années de sa vie.
Autre personnage controversé John Lennon (1940-1980) était allé encore plus loin dans la confection d'un double grotesque mais médiatique. Un documentaire diffusé le vendredi 5 mars sur Arte illustrait la dichotomie entre le chanteur-auteur-compositeur au talent évident et la personnalité parfois grotesque du chanteur britannique aux lunettes rondes. Avec sa femme et muse Yoko Ono ils ne savaient qu'inventer pour repousser les limites de l'absurde. "Artiste d'avant-garde" la dame en connaissait un rayon pour épater des médias toujours en quête de stars déconnantes. A eux deux ils ouvraient le chemin pour Michael Jackson, Madonna, Lady Gaga et tant d'autres.
Ce qui était intéressant dans le documentaire était le contraste entre l'artiste maîtrisant son art en enregistrant des titres souvent superbes et l'histrion mené par le bout du nez par sa compagne délirante et se livrant à des singeries indignes. A ce sujet l'extrait du concert de Yoko Ono à Toronto en 1969 laissait pantois. Certains croupissent dans des hôpitaux psychiatriques pour bien moins que ça!
Le grand écart entre le créateur de "Jealous guy" et le guignol planqué dans un sac de toile était impressionnant. La sincérité du chanteur anglais n'était hélas pas plus suspecte que celle du clown inventant les façons les plus subtiles de se ridiculiser..