Je publie sur le blog un courrier que j'ai adressé à un journaliste du "Monde" qui a écrit une critique "salée" sur une série britannique adaptée de "La foire aux vanités" de William Makepeace Thackeray diffusée récemment en 7 épisodes de 54 minutes sur la chaîne Arte.
Ce roman forme, avec "Les mémoires de Barry Lyndon", la partie la plus connue de l’œuvre romanesque de cet écrivain victorien.
"La foire aux vanités" est un livre remarquable qui met en scène des personnages ayant tous Becky Sharp, une singulière héroïne, à la fois arriviste, égoïste, calculatrice et parfois victime de sa trop grande confiance en elle comme référence commune. Son obsession, elle qui est de basse extraction dans un pays et à une époque où la naissance est tout, va intriguer et prendre des risques pour s'élever d'une part et ne pas manquer d'argent de l'autre. Loin de les ignorer la série montre par petites touches l'effroyable rigidité de la société britannique et les conditions scandaleuses de vie du peuple anglais du XVIIIème. J'ai trouvé amusant et bien sentie l'attitude du domestique noir qui est scandalisé par la façon dont on le traite et qui reproduit, à son échelle, le même schéma de pensée pour les autres.
L'héroïne parviendra à peu près à s'élever mais au prix de reniements et d'abandons. De sacrifices aussi, elle qui est belle et intelligente devra subir les rebuffades ouvertes ou feutrées de la bourgeoisie du milieu du dix-neuvième siècle anglais, effroyablement cupide et cruelle.
La série, on le comprendra dans mon mail, m'a plu et je l'ai trouvée très honnête. Le ton du critique, par contre, m'a horripilé: quelle suffisance! quel mépris! Il m'a suffit de repenser à toutes les nullités prétentieuses et nombrilistes que le même quotidien encense pour que je cherche les coordonnées du gratte-papier et lui fasse part de mon avis.
Je n'ai eu aucun signe de lui depuis.
"Bonjour.
Après avoir lu le livre de W.M Thackeray j'ai eu la curiosité de visionner deux adaptations cinéma et télévision de "La foire aux vanités" qui, pour être inégales s'appuyaient sur un livre magnifique et ne manquaient donc pas d'intérêt.
J'ai aussi regardé les 7 épisodes de l'adaptation la plus récente diffusée par Arte et, par curiosité, ai voulu lire quelques critiques la concernant.
Et suis tombé sur la vôtre.
Votre métier est d'aimer ou pas un document filmé et d'en expliquer vos raisons. Vous êtes donc bien dans votre rôle dans cette critique au vitriol d'une série qui n'en mérite pas tant.
Dans l'océan de médiocrités, dans le maelstrom de la laideur et de la vulgarité qu'est le petit écran vous avez décidé de tirer à boulets rouges sur une production que moi j'ai trouvée assez réussie. La critique date de 2019 mais j'imagine que vous ne la reniez pas.
Naturellement vous prenez ce ton (j'allais écrire cette morgue) si typique de votre quotidien. et commencez fort: "Arte s'adapte au grand public"...Arte devrait ne programmer que des films d'Antonioni et des symphonies de Bruckner? . S'adapter au "grand public" est-ce méprisable? le faire avec Thackeray me semble au contraire digne d'éloges.
"adaptation très grand public", "avec tout ce qu'il faut de rebonds et de larmes", "genre fleuve et mélo", "décors somptueux qui sentent parfois le toc, l'image de synthèse, la gélatine (???) et la surcolorisation", "roman-photo", "tape à l’œil" il faut avouer que vous avez un certain talent pour exprimer votre dédain et salir à grands traits indélébiles ce que vous condamnez.
Personnellement j'ai pris beaucoup de plaisir à regarder cette adaptation qui n'est certes pas parfaite mais respectable. L'actrice principale est jeune et crédible (pas comme Glenn Close dans "les liaisons dangereuses " adaptées à la truelle par Stephen Frears et qui a presque deux fois l'âge de Mme de Merteuil) l'adaptation vaut mieux que bien des pitoyables biographies filmées de Saint-Laurent qui ont enthousiasmé une critique auto-centrée. Les Garrel et Desplechin auront toujours les faveurs d'un journal élitiste et dépassé.
La critique:
Avec « La Foire aux vanités », Arte s’adapte au grand public
A l’occasion de la période de fin d’année, la chaîne met à l’antenne une série de 2018 adaptée sans finesse du roman satirique de l’écrivain anglais William Makepeace Thackeray.
ARTE - JEUDI 12 DÉCEMBRE À 20 H 55 - SÉRIE
Disons les choses en une formule qu’on espère éloquente : Arte diffusant la série Vanity Fair (2018, « La Foire aux vanités ») de la chaîne privée ITV (qui est le TF1 britannique), passée par Amazon Prime Video, c’est un peu comme si un confiseur connu pour ses fèves de cacao d’exception ouvrait, à l’occasion des fêtes de fin d’année, un présentoir de chocolats industriels trop sucrés.
ces sept épisodes de près de cinquante minutes sont adaptés du roman populaire de l’écrivain satiriste anglais William Makepeace Thackeray (1811-1863) – également auteur des Mémoires de Barry Lyndon (1844), portées au grand écran par Stanley Kubrick en 1975 –, présenté comme des « croquis à la plume et au crayon de la société anglaise » victorienne et publié en 1847-1848, au fil d’un feuilleton mensuel illustré.
D’excellents acteurs
La scénariste Gwyneth Hughes a taillé à la hache une adaptation pour le très grand public de la carrière de l’orpheline Becky Sharp, petite arriviste de basse extraction qui trompera et trahira à peu près tout le monde pour parvenir à ses fins – avant sa disgrâce et sa semi-rédemption. Le tout sur fond de guerre, de cœurs meurtris et d’amitiés trahies, d’amours secrètes, de cupidité honteuse et d’enfants répudiés – avec ce qu’il faut de rebonds et de larmes.
Si le rôle principal aurait pu être incarné avec une ambiguïté plus subtile que n’en témoigne Olivia Cooke, la distribution est, dans son ensemble, confiée à d’excellents acteurs, jeunes (les sensibles Johnny Flynn, vu dans Lovesick, et Tom Bateman, Sian Clifford, vue dans Fleabag et qui joue à nouveau ici un rôle de revêche) et vétérans (la piquante Frances de la Tour, sorte de parente excentrique d’Olivia Colman, Martin Clunes en noble sans façons).
De sorte que, dans le genre fleuve et mélo, en costumes et décors somptueux (qui sentent parfois cependant le toc, l’image de synthèse, la gélatine et la surcolorisation), et en dépit d’un ralentissement de l’intérêt (il y a décidément un épisode de trop), ce roman-photo volontiers tape-à-l’œil se regarde sans déplaisir et devrait assurer à la chaîne culturelle franco-allemande un beau score d’audience.
La Foire aux vanités (Vanity Fair), série créée par Gwyneth Hughes. Avec Olivia Cooke, Claudia Jessie, Tom Bateman, Johnny Flynn, Anthony Head, Frances de la Tour, Sian Clifford, Suranne Jones, David Fynn (GB., 2018, 7 x 46-48 min). Trois épisodes le 12 décembre, quatre le 20 décembre.
Cordialement